Cliquez ici pour retourner au site web du cours

2016/02/16

Liu Xiaobo, « Internet et moi »

Billet de Ana Block

Liu Xiaobo, « Internet et moi », Vivre dans la vérité, textes choisis et présentés par Geneviève Imbot-Bichet, Paris, Gallimard, 2012, p. 105-119. Texte écrit le 14 février 2006 au domicile de Liu Xiaobo à Pékin, paru pour la première fois dans La Chine démocratique, le 18 février 2006. Traduit par Geneviève Imbot-Bichet.

Contestataire, dissident, prix Nobel de la paix, Liu Xiaobo combat pour les droits de l'homme en cherchant à conduire la Chine sur des voies démocratiques : il réclame ouvertement un changement de régime. Largement connu en Occident, Liu Xiaobo, né en 1955, est un écrivain, professeur d’université et militant des droits de l’homme. Comme il a dénoncé le massacre de Tiananmen en 1989 et continué depuis à dénoncer le cynisme du régime, il séjourne fréquemment en prison. Président du Centre chinois indépendant, il est placé en détention en 2008 pour avoir participé à la rédaction de la Charte 08, un manifeste critiquant le régime autoritaire et réclamant la démocratie. Formellement arrêté en 2009, il est condamné à 11 ans de prison pour subversion. En 2010, le prix Nobel de la paix lui est attribué pour ses « efforts durables et non violents en faveur des droits de l’homme en Chine ».

Quelques mots sur l’éditrice Geneviève Imbot-Bichet, sinologue et traductrice, est également fondatrice/directrice des éditions "Bleu de Chine", spécialisées dans la littérature chinoise contemporaine.

Vivre dans la vérité est un recueil d’essais marqué par la dissidence, l’oppression et l’analyse du malaise moral en Chine. À noter que le recueil a été publié deux ans après l’attribution du prix Nobel, une « nécessité » pour ne pas oublier l’auteur, selon l’éditrice.


Dans ce texte, Liu Xiaobo démontre pourquoi et comment Internet est un outil particulièrement puissant pour la société civile afin de résister au totalitarisme et de lutter pour la liberté. N’oublions qu’actuellement plus de 60 réglementations gèrent Internet en Chine. D’ailleurs, l’appareil de contrôle chinois sur Internet est considéré comme le plus étendu et le plus avancé du monde. Cela se traduit par le blocage du contenu de certains sites, mais également la surveillance d’accès de chaque personne. Oui, Internet est contrôlé, censuré, surveillé, mais il est quand même un outil fort intéressant, selon Liu Xiaobo. Le texte est divisé en deux parties : un bref historique de la logistique des deux moyens pour résister au totalitarisme, à savoir les lettres ouvertes et les pétitions ; et l’argumentaire sur le changement qu’Internet a opéré.

Dans la première partie, l’apogée des lettres ouvertes et pétitions comme moyens de protestation se trouve au milieu des années 90 (des exemples antérieurs, comme la Charte 77 des dissidents tchécoslovaques en 1977 et la lettre rédigée par Fang Lizhi à Deng Xiaoping en 1989 sont également évoquées). La description du modus operandi est intéressante : pour une lettre, on compte environ un mois et beaucoup d’argent pour chercher l’initiateur, faire les discussions du contenu, la formulation, la rédaction, l’impression, l’envoi et la collecte des signatures ; en n’oubliant pas, au passage, la difficulté de se lancer dans ce genre d’entreprise.

Internet va changer la donne, et cet argumentaire constitue la deuxième partie du document. Le Web va permettre :
- l’accélération de l’essor et la montée de la protection des droits civiques (par la capacité à mobiliser plus rapidement la société civile et diminuer les coûts pour l’organisation de la défense des droits de l’homme) ;
- le dynamisme de l’opinion publique non officielle rendue possible grâce à la facilité, l’ouverture et la liberté de parole sur Internet (en rendant, de ce fait, les autres médias obsolètes mais également en les obligeant à une ouverture et un pluralisme) ;
- la possibilité d’offrir une tribune et donc une meilleure visibilité aux organisations autonomes indépendantes et non officielles ;
- la création des « stars » du net et de la protection des droits civiques, dont il donne quelques exemples (Liu Junning, Xu Youyu,…).
Il est important de souligner le style du document : la fluidité du ton expose clairement une argumentation logique et cohérente.

Finalement, le texte n’est pas un pamphlet pour la dissidence en utilisant Internet, c’est plutôt une analyse vers une évolution inéluctable des moyens de communication et de l’incapacité du PCC de surveiller et contrôler absolument tout. D’ailleurs, on peut imaginer facilement le choix imposé de fait au Parti vis-à-vis d’Internet : profiter des retombées, notamment économiques, vs les conséquences en termes de liberté d’expression. Ou simplement comment assurer l’essor socioéconomique sans qu’il s’accompagne d’une transition politique.

No comments:

Post a Comment

Note: Only a member of this blog may post a comment.