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2016/02/16

Liu Xiaobo, «Derrière le miracle économique chinois»

Billet de Véronique Jolly

Liu Xiaobo, «Derrière le miracle économique chinois», Vivre dans la vérité, Gallimard, Paris, 2012, p.159

Liu Xiaobo est un écrivain et professeur, mais surtout un fervent défenseur des droits de l’Homme en Chine né en 1955. Il est professeur invité à l’université de Columbia à New York lorsque surviennent les évènements de Tian’an men et décide de retourner en Chine pour se joindre au mouvement contestataire. Non tant par ses actions, c’est plutôt par ses écrits pacifistes que Liu Xiaobo milite pour les droits de l’Homme et prône la fin du régime autoritaire chinois. La rédaction de la Charte 08, un manifeste critique envers la proximité des institutions chinois avec le pouvoir lui vaudra une condamnation à 11 ans de prison pour subversion du pouvoir de l’État en 2009. C’est également pour son militantisme pacifiste qu’on lui décernera en 2010 le Prix Nobel de la Paix, alors même qu’il est incarcéré.

Derrière le miracle économique chinois fait partie de nombreux textes écrits par Liu Xiaobo avant son incarcération et rassemblés en un recueil (Vivre dans la vérité) publié par Gallimard en 2012 dans le but de rappeler au public la lutte que mène l’écrivain. Dans ce texte, il raconte que c’est Deng Xiaoping le premier qui a promis une émancipation de la Chine par l’économie afin de maintenir l’ordre politique. Il dénonce le fait que l’économie chinoise a, depuis ce temps, toujours été étroitement liée au pouvoir, et que sous le «miracle économique chinois» se cache en réalité la corruption et l’injustice. C’est de ce fait cette avidité de richesse des plus puissants qui est la cause de la rapidité anormale avec laquelle s’est développée l’économie chinoise. Afin d’appuyer sa thèse, il dénote une particularité à cette économie dont les principes sur lesquels elle se fonde, soit la marchandisation et la privatisation, ne reposent pas sur les lois, mais plutôt sur le pouvoir, les riches étant ainsi protégés par l’état. Les liens étroits qu’entretiennent les plus riches avec le gouvernement ne profitent donc seulement qu’à cette classe aisée, et cette économie se développe au détriment «des droits de l’individu et du bien public».

Selon Liu Xiaobo, cet appât du gain dans lequel s’est brutalement plongée l’économie chinoise, n’a fait que se renforcer après le déclin des valeurs traditionnelles, et n’est que la stratégie d’un régime opportuniste et pragmatique, jouant avec les richesses et les bien matériels pour maintenir son autorité. Cette stratégie qu’il nomme «despotisme ploutocratique» comporte, selon lui, cinq aspects que met de l’avant l’État afin de s’assurer de son pouvoir. D’abord, 1 mettre de l’avant l’idéologie nationaliste au profit de la prospérité économique. De cette façon, 2les intérêts de l’État deviennent les intérêts de tous, mais ne sont en réalité que les intérêts des plus puissants. De plus, 3on laisse s’exprimer toute consommation superficielle ainsi l’état dirige indirectement, mais délibérément une économie de satisfaction matérielle. 4Il devient donc plus facile de contrôler les écarts politiques et surveiller les dissidents, et ainsi 5la classe intellectuelle est plus facilement achetable avec des biens ou des valeurs concrètes.

Pour Liu Xiaobo, les changements économiques qui se sont opérés en Chine après les années 1980 ne sont que superficiels. Certes, son économie est devenue plus puissante, mais reste que la population chinoise n’a pas réellement ressenti d’impacts sociaux ni de changements suite à ce développement économique. Il déplore que la justice, la morale, les droits individuels des années 1980 se soient perdus au détriment d’un développement économique qui ne fait que restreindre les libertés individuelles et a des impacts directs sur la société.


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