Cliquez ici pour retourner au site web du cours

2016/02/09

Les lettres de Hu Feng

Un billet de Marisha Pauzé

«Hu Feng's Letters», in Patricia Ebrey, ed., Chinese Civilization and Society:  A Sourcebook., New York : Free Press,1981.p. 341 à 344

Patrica Ebrey a regroupé dans cet ouvrage un grand nombre de textes écrits par des intellectuels chinois dans le but de partager la vision et la pensée chinoise de leur propre histoire, et ainsi de mieux comprendre les réalités complexes et nombreuses de cette civilisation. On retrouve dans ce livre une série de lettres écrites par Hu Feng entre 1944 et 1955, dans laquelle il présente une opposition à la ligne directrice du parti.

Hu Feng (1902-1985) est un écrivain ainsi qu’un théoricien et critique de l’art littéraire chinois. Il s’oppose dans ses écrits à la conception de Mao Zedong du réalisme dans l’art et dans la littérature. Selon Mao, ce sont des outils de propagande qu’on doit imprégner du discours politique dans le but de faire pénétrer l’idéologie communiste dans les différentes couches populaires. Il considère que les artistes et les écrivains doivent se mobiliser pour la révolution et limiter leur production à cette fin. Hu Feng  quant à lui cherchait à mettre de l’avant la liberté de parole et presse. Là où le discours marxiste chinois prônait une doctrine matérialiste et collectiviste, Hu Feng défendait une pensée individualiste et idéaliste. Ce clivage idéologique entre Feng et le Mao Zedong va amener une répression féroce à son égard et va résulter à son arrestation en 1955. Suite à sa critique du quotidien populaire Litterary Gazette en 1954, il va être sujet à une série de dénonciations dans le People’s Daily organisée dans laquelle ses lettres étaient critiquées et accusées d’être bourgeoise et contre-révolutionnaire.

Les lettres qui sont présentées dans ce recueil démontrent une transformation dans le discours et la pratique de Hu Feng selon les années. On voit le poids et la pression toujours plus grands des organes de répression affecter sa liberté d’action et de parole. Ses préoccupations évoluent dans le même sens. Si au départ il se questionnait beaucoup plus sur des enjeux idéologiques comme sur l’individualité et les penseurs européens, rapidement on voit un glissement. Il se préoccupe par la suite davantage du problème de la liberté d’expression en soi, ce qui laisse entendre qu’il l’a déjà perdue. Dans les dernières années, ses lettres se limitent à des conseils pour protéger ses amis et collègues et il semble se rendre à l’évidence qu’il est impossible pour le moment de diffuser des idées non conformistes. En 1954 il va faire un discours à la Fédération des cercles artistiques et littéraires lors de laquelle il dénoncera ouvertement la politisation des écrivains aux fins du parti, ce qui sera le paroxysme de son opposition. Six mois plus tard, son auto critique va être publiée dans le People’s Daily et s’en suivra son arrestation.

La lecture des lettres de Hu Feng nous permet de voir les réelles préoccupations de cet homme envers le contrôle étatique toujours plus grand du parti de Mao Zedong, ce qui semble à un certain point prendre le dessus sur les opinions qu’ils voulaient au départ défendre. L’analyse de ces écrits permet de démontrer l’ampleur de la pression répressive et le sentiment d’impuissance de combat constant qu’on doit mener des penseurs libéraux chinois durant cette période.

No comments:

Post a Comment

Note: Only a member of this blog may post a comment.