Billet de
Nicolas Gagné
Theodore DeBary,
et.al., Sources of Chinese Tradition,
vol. 2, "The Communist Revolution."
Theodore DeBary (1919-) enseigne à l’université
Columbia depuis 1949. Il y a grandement développé l'enseignement de l'histoire
de l'Asie de l'Est, notamment en réalisant plusieurs recueils de sources pour
la Chine, le Japon, l'Inde et la Corée. Son œuvre a surtout porté sur les grandes
traditions religieuses et intellectuelles d'Asie de l'Est, principalement le
confucianisme.
DeBary tente de répondre à trois questions
principales: 1) Dans quel contexte intellectuel et historique le communisme
chinois a-t-il émergé? 2) Comment Mao analysait-ils les problèmes de la
révolution (le rôle du Parti communiste en lien avec les paysans, le nouveau
rôle du « peuple » à l'époque moderne, et les étapes par lesquelles il
atteindrait ses objectifs économiques et politiques)? 3) Comment Mao mena-t-il
l'endoctrinement et la formation des cadres pour la lutte des classes, et
comment interagit-il avec les intellectuels dont la collaboration était
nécessaire pour assurer l'atteinte des objectifs économiques et sociaux du
régime? Pour ce faire, l'auteur présente plusieurs sources primaires. La première section décrit
la paysannerie et le mouvement anarcho-communiste comme des germes de la
révolution communiste. On y retrouve un essai de l'anarchiste Liu Shipei
(1884-1919) et un article de Li Dazhao (1888-1927), un cofondateur du Parti
communiste chinois qui influença grandement son élève et assistant, Mao Zedong.
Puis, le nœud de l'article présente plusieurs écrits de Mao, notamment des
extraits d'un rapport sur le mouvement paysan au Hunan et de textes importants
comme The Chinese Revolution and the Chinese Communist Party (1939), On
New Democracy (1940) et The Dictatorship of the People's Democracy (1949).
Conclusions. 1) Le communisme chinois naquit dans
un contexte intellectuel historique et intellectuel favorable. Par exemple, il
régnait suite à l'échec de l'expérience républicaine un climat dans lequel
seules les idées « révolutionnaires » pouvaient espérer susciter
l'enthousiasme populaire. 2) Mao reconnaissait un rôle révolutionnaire important
à la paysannerie chinoise. Cependant, c'était au Parti communiste de prendre la
tête de ce mouvement, les rébellions paysannes des siècles précédents ayant
échoué, croyait-il, par manque de leadership et d'organisation. Mao
envisageait plusieurs étapes pour l'atteinte de ses objectifs: après le
communisme primitif, l'esclavage et le féodalisme, viendrait la
« révolution démocratique » (qui ressemble peu à l'idée occidentale
de la démocratie, mais plutôt à l'idée du « centralisme démocratique »
de Lénine, soit la domination communiste d'une coalition des classes sociales
ainsi que, sur le plan économique, une réforme agraire modérée et la
nationalisation de certaines industries importantes), et enfin la révolution
socialiste. (Mao, qui considère la Chine de 1940 comme semi-coloniale,
semi-féodale, propose dans On New Democracy de « sauter »
l'étape du capitalisme). 3) Ce point est moins développé que les autres. Dans The
Dictatorship of the People's Democracy, Mao mentionne que les
« réactionnaires » recevront des terres et devront se
« rééduquer » par le travail. On tentera de les réformer par la
propagande et l'information. Cependant, le problème fondamental demeurait
l'éducation des paysans. Il fallait développer une industrie puissante sous
contrôle de l'État pour assurer la socialisation de l'agriculture (vue comme la
condition sine qua non de cette éducation).
Le texte est une série de sources primaires sur
le communisme chinois. La contribution principale de l'auteur est donc d'avoir
choisi les textes qu'il jugeait intéressants et pertinents pour répondre à ses
questions. Sinon, il se limite à des contextualisations, très utiles
d'ailleurs, des auteurs sélectionnés et de leurs écrits, et à une introduction
où il tente de montrer que le communisme s'inscrit à un certain degré dans la
tradition chinoise.
Enfin, je crois que l'apport principal du texte
est de sortir de la simple chronologie, de présenter la réflexion
intellectuelle ayant soutenu l'effort communiste. Nous pouvons ainsi mesurer
l'évolution d'un auteur et d'une période à l'autre. Par exemple, il est
intéressant de lire sur le rôle capital que la paysannerie serait appelée à
jouer dans la révolution, car cela montre les efforts des communistes chinois
pour assurer une convergence entre la doctrine marxiste (révolution menée par
la classe ouvrière urbaine) et leur contexte national (population largement
rurale). J'apprécie aussi que DeBary ait présenté certains auteurs moins
connus.
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