Séverine
Arsène, "Protester sur le
web chinois (1994-2011),"Le temps des médias 2012/1 #18: 99-110
Texte par Zachary Savoie-Gauthier
Séverine Arsène est rédactrice en
chef de la revue universitaire Perspectives chinoises. Elle est
chercheure au Centre d'Études Français sur la Chine contemporaine, basée à Hong
Kong. Ses intérêts de recherche sont notamment la gouvernance d'Internet, la
liberté d'expression, les médias sociaux et la politique en Chine.
La question centrale du texte
pourrait être formulée ainsi: comment la protestation se présente-t-elle sur le
Web chinois, et comment les autorités la contrôlent-t-ils?
L'auteure commence par faire
l'historique de l'apparition et de l'implantation de l'Internet en Chine, au
courant des années 90 et 2000. Elle souligne la croissance exponentielle du
nombre d'internautes chinois: « En 1997 on compte 620 000 internautes qui
peuvent visiter 1500 sites environ, ce qui reste encore très limité. Ils sont
plus de 513 millions à l'heure où ces lignes sont publiées, ce qui représente
désormais plus de 38 % de la population chinoise. »
Cette grande croissance de
l'utilisation d'Internet représente un dilemme important pour les autorités
chinoises. Elle représente un potentiel de croissance économique considérable.
Aussi, pour rester dans les grandes puissances mondiales, la Chine se doit de
favoriser le développement d'Internet. En outre, le Web permet à la population
de trouver une satisfaction dans « le divertissement, la consommation et
l'expression individuelle », pour reprendre les mots de Séverine Arsène. D'un
autre côté, le Web a évidemment un grand potentiel de diffusion de
l'information et de mobilisation citoyenne. Cela, bien sûr, inquiète les bonzes
du Parti communiste.
Selon Arsène, le système de
contrôle et de censure du Web chinois repose essentiellement sur trois
éléments. Le premier est « l'interdiction d'établir une connexion Internet
internationale indépendamment des réseaux officiels ». C'est que les réseaux
officiels sont filtrés et contrôlés par l'État, alors que l'Internet global
échappe à la censure du Parti.
Le second élément est une série de
lois et de règlements qui apparaissent en même temps que les nouveaux services.
Une responsabilité légale pèse sur les sites qui permettent de commenter les
informations ou d'écrire son propre blog. Ils doivent eux-mêmes surveiller le
contenu publié. Autrement, les sites ou forums de discussion sont souvent
fermés. Une responsabilité est aussi donnée aux fournisseurs de services, qui
doivent communiquer les coordonnées de leurs abonnés quand les autorités leur
en font la demande.
Le troisième élément de contrôle de l'Internet
est l'autocensure. Les autorités, en fermant des sites ou des forums de
discussion, en emprisonnant les dissidents politiques, font sentir une menace
sur les internautes. Peu osent ouvertement défier l'État.
L'auteure note le développement
d'une opinion publique chinoise par le biais d'Internet. L'État tente de
canaliser cette opinion, mais n'y arrive pas toujours. Par exemple, le
gouvernement avait tenté d'installer sur tous les nouveaux ordinateurs un
logiciel qui filtrait les contenus pornographiques et politiques, mais un tollé
s'est élevé contre ce projet. Au final, le gouvernement y a renoncé.
Arsène constate une certaine
crispation de l'État face aux nouvelles libertés dont profite sa population
grâce au Web. Les soulèvements tels que le Printemps Arabe font craindre de
sérieux dérapages subversifs. Une nouvelle culture d'internaute émerge,
particulièrement chez les jeunes, que les pouvoirs en place prennent très au
sérieux.
Dans l'ensemble, le texte donne un
panorama instructif de l'évolution d'Internet en Chine. Il permet de mieux
comprendre la dynamique entre l'abondance de possibilités que représente le Web
pour la population chinoise et les tentatives de l'État de limiter ces mêmes
possibilités.
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