Cliquez ici pour retourner au site web du cours

2015/03/15

Protester sur le web chinois

Séverine Arsène, "Protester sur le web chinois (1994-2011),"Le temps des médias 2012/1 #18: 99-110

Texte par Zachary Savoie-Gauthier

Séverine Arsène est rédactrice en chef de la revue universitaire Perspectives chinoises. Elle est chercheure au Centre d'Études Français sur la Chine contemporaine, basée à Hong Kong. Ses intérêts de recherche sont notamment la gouvernance d'Internet, la liberté d'expression, les médias sociaux et la politique en Chine.

La question centrale du texte pourrait être formulée ainsi: comment la protestation se présente-t-elle sur le Web chinois, et comment les autorités la contrôlent-t-ils?

L'auteure commence par faire l'historique de l'apparition et de l'implantation de l'Internet en Chine, au courant des années 90 et 2000. Elle souligne la croissance exponentielle du nombre d'internautes chinois: « En 1997 on compte 620 000 internautes qui peuvent visiter 1500 sites environ, ce qui reste encore très limité. Ils sont plus de 513 millions à l'heure où ces lignes sont publiées, ce qui représente désormais plus de 38 % de la population chinoise. »

Cette grande croissance de l'utilisation d'Internet représente un dilemme important pour les autorités chinoises. Elle représente un potentiel de croissance économique considérable. Aussi, pour rester dans les grandes puissances mondiales, la Chine se doit de favoriser le développement d'Internet. En outre, le Web permet à la population de trouver une satisfaction dans « le divertissement, la consommation et l'expression individuelle », pour reprendre les mots de Séverine Arsène. D'un autre côté, le Web a évidemment un grand potentiel de diffusion de l'information et de mobilisation citoyenne. Cela, bien sûr, inquiète les bonzes du Parti communiste.


Selon Arsène, le système de contrôle et de censure du Web chinois repose essentiellement sur trois éléments. Le premier est « l'interdiction d'établir une connexion Internet internationale indépendamment des réseaux officiels ». C'est que les réseaux officiels sont filtrés et contrôlés par l'État, alors que l'Internet global échappe à la censure du Parti.

Le second élément est une série de lois et de règlements qui apparaissent en même temps que les nouveaux services. Une responsabilité légale pèse sur les sites qui permettent de commenter les informations ou d'écrire son propre blog. Ils doivent eux-mêmes surveiller le contenu publié. Autrement, les sites ou forums de discussion sont souvent fermés. Une responsabilité est aussi donnée aux fournisseurs de services, qui doivent communiquer les coordonnées de leurs abonnés quand les autorités leur en font la demande.
 Le troisième élément de contrôle de l'Internet est l'autocensure. Les autorités, en fermant des sites ou des forums de discussion, en emprisonnant les dissidents politiques, font sentir une menace sur les internautes. Peu osent ouvertement défier l'État.

L'auteure note le développement d'une opinion publique chinoise par le biais d'Internet. L'État tente de canaliser cette opinion, mais n'y arrive pas toujours. Par exemple, le gouvernement avait tenté d'installer sur tous les nouveaux ordinateurs un logiciel qui filtrait les contenus pornographiques et politiques, mais un tollé s'est élevé contre ce projet. Au final, le gouvernement y a renoncé.

Arsène constate une certaine crispation de l'État face aux nouvelles libertés dont profite sa population grâce au Web. Les soulèvements tels que le Printemps Arabe font craindre de sérieux dérapages subversifs. Une nouvelle culture d'internaute émerge, particulièrement chez les jeunes, que les pouvoirs en place prennent très au sérieux.

Dans l'ensemble, le texte donne un panorama instructif de l'évolution d'Internet en Chine. Il permet de mieux comprendre la dynamique entre l'abondance de possibilités que représente le Web pour la population chinoise et les tentatives de l'État de limiter ces mêmes possibilités.

No comments:

Post a Comment

Note: Only a member of this blog may post a comment.