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2015/02/01

De la liberté en Chine

Billet de Matthieu Daiki

Thi Minh-Hoang Ngo, "De la liberté en Chine", Le Débat, 2013/1 - n°173, p. 78-87.

Thi Minh-Hoang Ngo est une historienne française, chercheuse à l'IRSEA, Institut de Recherche sur le Sud-Est Asiatique au sein de l'université de Provence. Spécialiste de la Chine contemporaine, elle s'exprime régulièrement sur l'actualité chinoise. Elle est l'auteur d'un ouvrage historique sur la paysannerie au début du maoïsme, ainsi que d'un livre sur la perception que l'Occident a de la Chine, publié en 2013 et intitulé "Doit-on avoir peur de la Chine ?". Ce titre est révélateur de toutes les questions qui se posent en Occident à l'égard de ce pays. L'article de Thi Minh-Hoang Ngo intitulé "De la liberté en Chine", publié la même année, s'inscrit dans le droit fil de ces interrogations, posant la question de la liberté dans un pays devenu la deuxième puissance économique du monde et qui est également une puissance géopolitique, mais où économie de marché ne rime pas avec démocratie libérale. 

Dans son article publié dans la revue Le Débat, Thi Minh-Hoang Ngo expose les variantes chinoises de la notion de liberté. Si en Occident nous avons tendance à percevoir la liberté comme un absolu, cette notion a connu en Chine un parcours différent. L'auteur se lance dans une analyse historique de la notion de liberté en Chine, de ses racines confucéennes et impériales aux bouleversements actuels, en passant par son évolution au sein du débat intellectuel de la fin du XIXe et du début du XXe siècle puis par la période maoïste. 


En chinois, on peut traduire de deux manières la notion de liberté, ce qui en soi est révélateur d'une vision différente et plurielle de cette notion. D'une part, la liberté en tant qu'autonomie, ancrée dans la pratique ; d'autre part, la liberté dans un sens qui serait davantage celui auquel nous sommes accoutumés en Occident, soit l'absence de contrainte. La Chine impériale et confucéenne est marquée par la liberté en tant qu'autonomie par rapport à l'Empereur, lequel se contente de percevoir un impôt, tandis que la Chine ouverte à l'Occident, celle des libéraux, celle aussi des citadins d'aujourd'hui imprégnés de valeurs individualistes, est marquée par une vision plus occidentale de la liberté. 

Thi Minh-Hoang Ngo aborde aussi, entre ces deux périodes, la Chine maoïste. Pour les communistes chinois, le mot liberté a pris un sens proche du mot émancipation. Emancipation des paysans à l'égard des propriétaires, et émancipation de la Chine vis-à-vis de l'impérialisme occidental. Si la Chine impériale enserrait la liberté de l'individu autonome dans un réseau de dépendances propre à l'idéologie confucéenne, la Chine de Mao Zedong, elle, a utilisé les notions de classe et d'émancipation dans une perspective similaire. 

La notion de liberté en Chine est donc multiple, déchirée entre la liberté en tant qu'autonomie, la liberté dans un sens davantage occidental, et la liberté en tant que refus de l'impérialisme et désir d'émancipation. Cette dernière version de la liberté, à la fois héritage de la période maoïste et liée à la montée du nationalisme, reste marquante dans la Chine d'aujourd'hui, malgré l'apparition de comportements davantage individualistes, surtout dans les villes. Cet article nous fait comprendre que le débat n'oppose pas de façon binaire partisans de l'autoritarisme et partisans de la démocratie libérale, mais qu'en réalité, la complexité du débat se rattache à la notion même de liberté. 


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